166500

(2018) Methodos 18.

L'usage chomskyen de l'innéisme cartésien

Valentine Reynaud

L’article se propose d’explorer l’usage que Chomsky fait de la référence à la philosophie de Descartes. À partir des années 1950, le linguiste et philosophe Noam Chomsky remet l’innéisme sur le devant de la scène en défendant l’existence d’une faculté innée de langage. Comme l’indique sans équivoque le titre de son ouvrage paru en 1966, La linguistique cartésienne, Chomsky inscrit sa pensée dans la tradition cartésienne. Mais ce que Chomsky entend par « faculté innée » est-il vraiment similaire à ce que Descartes nomme « idée innée » ? L’usage que fait Chomsky de Descartes relève-t-il simplement d’un procédé rhétorique, comme le soutiennent certains commentateurs, ou est-il le signe d’une authentique proximité conceptuelle ? Selon certains commentateurs, cet usage est purement rhétorique. D’une part, le tournant naturaliste opéré au XXe siècle a déplacé la réflexion sur l’esprit d’un plan métaphysique purement a priori à un plan scientifique purement empirique. D’autre part, le domaine où s’exerce prioritairement la pensée de Chomsky – le domaine linguistique – est un domaine largement ignoré par Descartes. Enfin, concevoir l'esprit comme contenant des facultés spécifiques innées paraît incompatible avec le caractère indifférencié et uniforme de l’esprit cartésien. L’article entend montrer au contraire que l’usage que fait Chomsky de Descartes révèle un véritable air de famille entre innéisme chomskyen et innéisme cartésien. D’une part, c’est bien le caractère a priori des principes que Chomsky postule qui fait écho aux idées innées cartésiennes. D’autre part, Chomsky dessine une tradition linguistique de type rationaliste qui pose l’universalité des structures grammaticales au nom de l’universalité même des caractères distinctifs fondamentaux de l’esprit que l’on trouve chez Descartes. Enfin, Descartes et Chomsky défendent tous deux un innéisme dispositionnel. En somme, l’article conclut que ce qui relie Chomsky à Descartes n’est pas la définition de la grammaire universelle innée, que ce dernier n’aurait, sans doute, pas acceptée ; c’est une manière similaire de poser le problème de l’acquisition de la connaissance, et partant de le résoudre.

Publication details

DOI: 10.4000/methodos.5021

Full citation:

Reynaud, V. (2018). L'usage chomskyen de l'innéisme cartésien. Methodos 18, pp. n/a.

This document is available at an external location. Please follow the link below. Hold the CTRL button to open the link in a new window.